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Paul Guiol

Mon oncle Paul. Je sais pas quand il est né. Probablement en 1929, mais je suis pas sûr. En tous cas, je me rappelle ce jour de février 1977 (le 24 ?) où l'on m'a appris son décès. Jour noir. Il est finalement mort du mal qui a conditionné sa vie.

Il a passé son enfance à Aix (il habitait rue Gaston de Saporta) avec Charles (alias Roger) Fernandez (autre habitant de St Canadet). Il avait assez tôt perdu son père mais je ne me rappelle plus à quel âge. Sa famille est venue s'installer à St Canadet suite au remariage de sa mère avec Mr Caire (père de Marthe Gellibert). Il est rentré aux chemins de fer, à Pertuis, quand il était adolescent. Puis il a assez rapidement chopé cette merde de tuberculose et il est parti passer des vacances dans un sanatorium des Alpes. On lui a enlevé un poumon et par la suite, fatalement, il ne lui en restait plus qu'un pour respirer.

C'est fou ce qu'on peut faire, même quand on n'a qu'un poumon. Déjà, on peut se marier. Avec ma tante Yvonne (Roche), par exemple. Et même si on garde comme un regret de ne pas avoir pu mener une carrière 'normale' dans les chemins de fer (il a toujours gardé une affection particulière pour les trains, il était intarissable sur le sujet), quand on est un poète comme l'était Paul, on peut toujours insuffler de la magie dans les choses de la vie les plus insignifiantes.

Paul était habile de ses mains, curieux de nature et amoureux de la vie. Peut-être justement parce qu'il avait une conscience aiguë de la fragilité de cette vie. Il avait cette faculté pas banale de donner un caractère épique à tout ce qu'il entreprenait. Cacheter les bouteilles avec de la cire liquide (plusieurs couleurs selon les vins, Paul était méticuleux). Visiter ses abeilles (Paul était aussi apiculteur), récolter le miel, mettre le doigt sous le robinet quand il pressait les plaques d'alvéoles des ruches, et se goinfrer... Fabriquer des cartouches pour la chasse, préparer les appelants (avec une préférence marquée pour les chachas), des cages, de la glu... Ses outils : tous parfaitement rangés sur une planche verticale avec chacun son contour dessiné sur le bois. Au fait, vous pouvez voir la 2 CV camionnette de Paul sur une des photos de St Canadet dans les années 60.

Paul était aussi un formidable conteur. A la base, il n'avait pas besoin de beaucoup de matière pour reconstituer un mythe. Je me rappelle l'avoir entendu me raconter l'histoire des Chouans comme s'il l'avait vécue. Vraiment prenant, avec bruitages, mimiques et tout le bastringue. Quand je lui ai bêtement fait remarquer que, les Chouans, c'était pas à la fin du siècle dernier (le XIXème) mais plutôt un siècle auparavant, il m'a dit : « T'es vraiment sûr de ça ? Moi, ça m'étonnerait un peu... ». Je lui ai répondu : « T'as peut-être raison, je suis plus si sûr, finalement. ». Et j'ai pensé : « Se non è vero, è bene trovato ! ».

Non, vraiment, on ne peut pas dire que Paul soit tout à fait mort...

Auteur(s) : Serge Brondino
Date : 6 juin 2002